La Croix de la Rédemption
James Baldwin
Éditions Stock, parution le 15 mai 2024
Préface de Léonora Miano
À l’occasion du centenaire de la naissance de James Baldwin, les Éditions Stock ont publié « La Croix de la Rédemption », un recueil d’essais inédits, accompagné d’une lumineuse préface de l’écrivaine camerounaise Léonora Miano. Ce texte puissant nous plonge dans l’univers d’un auteur dont la parole, incisive et profondément humaine, continue d’éclairer les réalités sociales, politiques et spirituelles de l’Amérique, et au-delà, du monde contemporain.
James Baldwin, toujours incandescent
Né en 1924 à Harlem, James Baldwin grandit dans une famille pauvre et religieuse. Abandonné par son père biologique, il est élevé par son beau-père, un prédicateur strict, dont l’influence marquera profondément son œuvre. À quatorze ans, Baldwin prêche lui-même dans une église pentecôtiste, mais dès seize ans, il se détourne de la religion pour se consacrer à l’écriture, qu’il considèrera désormais comme sa véritable vocation. Mort en 1987, il laisse derrière lui une œuvre foisonnante, entre essais, romans et pièces de théâtre, dont La Conversion (1953), La Chambre de Giovanni (1956), Un autre Pays (1962), Face à l’homme Blanc (1965), Si Beale Street pouvait parler (1974) ou Le Diable trouve à faire (1976), témoignages inoubliables d’un écrivain noir et résolument engagé.
Un regard implacable sur l’Amérique
Dans La Croix de la Rédemption, on retrouve intacte la force de sa pensée : lucide, dense, intransigeante. Baldwin y aborde les grands thèmes qui ont traversé sa vie : le racisme structurel, les relations entre Noirs et Juifs, l’identité, la condition noire en Amérique, et la responsabilité de l’écrivain face à l’histoire. « L’histoire de l’Amérique est une histoire d’évasion, mais c’est aussi l’histoire de l’évasion des Noirs dans l’Amérique », écrit-il dans l’un des textes du recueil. Cette double fuite, vers une liberté impossible et loin d’un passé inassumé, résume la tension tragique qui habite son œuvre.
Mais Baldwin ne se contente jamais de dénoncer : il interroge, il dérange, il exige. Il pose la question de la rédemption, de la capacité de chacun, et de la nation elle-même, à regarder la vérité en face. « Ce qui est en jeu, c’est la vérité. La vérité sur ce que nous avons fait à ceux qui nous sont les plus proches, et ce que nous avons refusé de voir dans le miroir », affirme-t-il avec une intensité rare. Pour Baldwin, l’écriture est moins un moyen de consoler que d’éveiller : « L’écrivain n’est pas là pour donner des réponses ; il est là pour réveiller la conscience. »
Une parole entre colère, espérance et spiritualité
Avec une prose lyrique, théâtrale et brûlante d’humanité, Baldwin poursuit dans ces textes sa quête de vérité et de justice. Il ne cache ni sa colère ni sa douleur, mais toujours il revient à cette foi inébranlable en la possibilité d’un avenir plus juste. Il croit à la transformation, mais une transformation exigeante, qui passe par une confrontation radicale avec les blessures du passé.
La croix, dans le titre du recueil, est à la fois le fardeau que porte l’histoire noire et la promesse d’une renaissance. « La croix, c’est le fardeau de l’histoire des Noirs, mais c’est aussi la promesse d’une résurrection morale », écrit-il. Pour Baldwin, le spirituel et le politique sont indissociables : toute lutte extérieure doit s’accompagner d’une révolution intérieure.
Une œuvre toujours actuelle
James Baldwin n’a jamais cherché à plaire : son engagement n’était ni posture ni mode, mais une nécessité vitale. Il résume sa mission d’écrivain ainsi : « La fonction de l’écrivain est de dévoiler ce que la société refuse de voir. » Et c’est bien ce qu’il accomplit dans « La Croix de la Rédemption », comme dans toute son œuvre : dévoiler, mettre à nu, pousser à réfléchir, et surtout à agir.
À l’heure où les tensions raciales, identitaires et sociales restent vives, ses mots n’ont rien perdu de leur acuité. En refermant ce recueil, une question demeure : qu’aurait écrit Baldwin face au monde d’aujourd’hui ? Une chose est sûre : sa voix, toujours vibrante, nous accompagne encore. Elle dérange, elle éclaire, elle inspire, et c’est peut-être cela, la vraie rédemption.
Kah' Tchou Boileau

Bienvenue sur ma page dédiée à mes lectures ! Ici, vous trouverez une sélection de livres que j'ai dévorés au fil du temps. Chaque ouvrage a laissé une empreinte unique, et j'ai hâte de partager mes impressions et découvertes avec vous. Plongeons ensemble dans l'univers littéraire !"

James Baldwin (1924–1987) fut un romancier, essayiste, dramaturge et militant majeur du mouvement des droits civiques aux États-Unis. Né dans le quartier populaire de Harlem à New York, il grandit dans un climat de pauvreté, d’oppression raciale et de rigueur religieuse. Très tôt attiré par l’écriture et la littérature, il utilise sa plume comme un instrument de vérité, de libération et de combat contre l’injustice.
En 1948, à l’âge de 24 ans, Baldwin quitte les États-Unis pour la France, fuyant à la fois le racisme virulent de son pays natal et l’asphyxie morale qu’il ressent en tant qu’homme noir et homosexuel. C’est en Europe — d’abord à Paris, puis en Suisse — qu’il rédige son premier roman, La Conversion (Go Tell It on the Mountain, 1953), largement autobiographique, qui explore les conflits entre foi, famille, sexualité et identité noire.
Suivront des œuvres marquantes telles que Harlem Quartet (Just Above My Head, 1979), Si Beale Street pouvait parler (If Beale Street Could Talk, 1974), ou encore Meurtres à Atlanta (The Evidence of Things Not Seen, 1985), toutes publiées en français chez Stock. À travers ses romans, essais (notamment The Fire Next Time, 1963), et interventions publiques, Baldwin devient une voix incontournable dans la dénonciation du racisme, de l’hypocrisie morale, et de la violence institutionnelle.
En 1970, il s’installe définitivement en France, dans le village de Saint-Paul-de-Vence, où il continue à écrire, à débattre et à recevoir artistes, intellectuels et militants venus du monde entier. C’est là qu’il meurt en 1987, laissant derrière lui une œuvre profondément humaniste, d’une puissance littéraire et politique toujours actuelle.