
Bienvenue sur ma page dédiée à mes lectures ! Ici, vous trouverez une sélection de livres que j'ai dévorés au fil du temps. Chaque ouvrage a laissé une empreinte unique, et j'ai hâte de partager mes impressions et découvertes avec vous. Plongeons ensemble dans l'univers littéraire !"
Transwonderland : Retour au Nigéria
(Editions Hoebeke, Paris 19 avril 2013),
283 pages
traduit de l’anglais par Françoise Pertat,
édition originale anglaise publiée par Granta Publications sous le titre „Looking for Transwonderland“
de l’auteure nigérianne Noo Saro-Wiwa
D’entrée de jeu, c’est le nom de l’auteure, plus que son prénom, qui a attiré mon attention. Le nom Saro-Wiwa a en effet une résonance particulière dans le paysage littéraire africain, il est évocateur d’un héritage audacieux.
L’héritage de Ken Saro-Wiwa : entre audace littéraire et engagement politique
Tout d’abord, il y’a l’audace littéraire de Ken Saro-Wiwa, qui, à une époque où s’éloigner des normes linguistiques imposées par les langues héritées de l’époque coloniale semblait presque irréaliste, fit le choix d’écrire en anglais « pourri », en Pidgin. Le résultat fut saisissant, et son œuvre « Sozaboy » (1985) reste encore aujourd’hui une référence. Mais l’audace de Ken Saro-Wiwa va bien au-delà de la littérature : écrivain engagé et anticonformiste, il s’engagea dans la lutte politique et l’activisme écologique aux côtés des Ogonis, son peuple dans le sud-est du Nigeria. Là, les richesses pétrolières, exploitées par le géant anglo-néerlandais Shell, bénéficient uniquement aux élites de Lagos et d’Abuja, laissant les Ogonis dans une misère extrême. Cette audace lui coûtera la vie : en 1995, sous le régime tyrannique de Sani Abacha, il est condamné à mort et pendu.
Dans « Transwonderland : Retour au Nigeria », sa fille Noo Saro-Wiwa ne se contente pas de retracer l’histoire de son père. Son livre est une quête personnelle et un témoignage poignant où colère et résilience s’entremêlent, dressant le portrait d’un Nigeria aux multiples contrastes. Avec une plume fluide et captivante, elle nous fait découvrir un pays en perpétuelle tension, oscillant entre espoirs et désillusions.
Née en 1976, Noo Saro-Wiwa a grandi en Grande-Bretagne auprès de sa mère. Chaque été, elle passait ses vacances au Nigeria, jusqu’à la mort de son père en 1995. Enfant, elle percevait fortement le décalage entre son confort britannique et la rudesse du quotidien nigérian. Parmi les frustrations de la jeune vacancière il y’avait l’absence de parcs d’attractions, une carence que le dictateur Ibrahim Babangida (ou plus précisément son épouse) tenta de pallier en offrant aux enfants d’Ibadan un parc de loisirs futuriste, une version locale et décevante des merveilles inspirées de Disney : Transwonderland, qui donnera son titre à ce livre.
Au fil des pages, il devient rapidement évident que l’objectif de Noo Saro-Wiwa n’est pas seulement de combler un rêve d’enfant en visitant un parc d’attractions, mais bien d’entreprendre une véritable immersion dans le Nigeria, de redécouvrir son histoire, sa culture et ses habitants.
Un voyage initiatique à travers un Nigeria en perpétuel tumulte
À 36 ans, l’auteure, sous des airs d’une simple touriste, nous guide à travers un pays où le bruit est omniprésent. Ici, on crie pour tout : pour téléphoner, pour prier ou même paradoxalement pour calmer un bébé. Ce vacarme incessant reflète le chaos d’un pays marqué par des décennies d’instabilité, où chaque coup d’État promettait un nouvel ordre, avant de sombrer à nouveau dans la corruption. Ce charivari typique du Nigeria porte même un nom : Jagga-Jagga, une expression tirée d’un tube de l’Afrobeat. Mais que cache réellement ce Jagga-Jagga ?
Pour le découvrir, Noo Saro-Wiwa parcourt son pays natal sans hésiter à faire le saut dans l’inconnu de passionnantes aventures. Il n’y a pas de lieu qu’elle ne visite, ni de moyen de transport qu’elle n’emprunte. Parfois dans les bus bondés ou dans la voiture de l’ancien chauffeur de son père. Elle tombe en revanche littéralement sous le charme des Okadas, ces motos-taxis qui lui offrent une nouvelle forme de liberté. Juchée sur un Okada ou serrée dans un Danfo (ces minibus chaotiques qui servent de RER locaux), elle embarque le lecteur pour une immersion au cœur du Nigeria.
Le récit, structuré en seize chapitres avec un prologue et un épilogue, fonctionne comme un journal de route avec une série d’escales. Le voyage commence à Lagos, ville suffocante où l’électricité est un luxe et la vie est rythmée par le vrombissement des générateurs bruyants installés dans des demeures cossues, seules à pouvoir échapper aux caprices d’un approvisionnement électrique versatile contrôlé par la toute-puissante NPA (National Electric Power Authority). Le périple continue à Ibadan, ancien bastion intellectuel aujourd’hui en déclin, qui a vu naître l’une des plus anciennes universités d’Afrique de l’Ouest. Et levoyage se poursuit à Abuja, la capitale politique du pays, où l’auteure fera le constat de l’impact dévastateur de la corruption, avant de mettre le cap sur le nord conservateur et rigoriste, notamment à Kano, Jos, et Maiduguri qui expérimenta la Loi islamique de la Charia, entre-temps revisitée à la sauce nigériane. Enfin, elle nous conduit au sud-est, à Calabar et à Benin City, le berceau des traditions vaudou.
À travers ce périple, Noo Saro-Wiwa nous offre bien plus qu’un simple récit de voyage : une plongée intime et sans complaisance dans un Nigeria en perpétuel tumulte, où l’histoire personnelle se mêle à celle d’un pays vibrant, chaotique et fascinant. Bien que l’on puisse reprocher au texte une certaine densité du récit, il brille par son écriture vivante, ponctuée d’anecdotes et d’un humour subtil. Noo Saro-Wiwa nous offre un regard lucide sur les contradictions du Nigeria, entre désespoir et résilience, chaos et espoir. Son livre est une déclaration d’amour à son pays, malgré ses nombreuses imperfections et une réflexion sur l’identité, la justice et l’avenir d’une nation en quête de stabilité.
Kah' Tchou Boileau

Noo Saro-Wiwa, auteure et journaliste d'origine nigériane, a grandi en Angleterre et étudié au King's College de Londres et à l’Université Columbia de New York. Elle écrit pour Condé Nast Traveller et a collaboré avec The Guardian, The Financial Times, The New York Times, entre autres.
Son premier livre, Looking for Transwonderland: Travels in Nigeria (2012), a été largement salué, et son second, Black Ghosts (2023), explore la communauté africaine en Chine. Looking for Transwonderland a remporté plusieurs distinctions, dont le prix Albatros du Livre de Voyage en Italie en 2016.
Elle vit à Londres et est une fervente supportrice Liverpool FC.
Source: https://www.noosarowiwa.com/